Le Village des athlètes pour les Jeux Olympiques de Paris 2024
Publié le 27.02.24 - Temps de lecture : 6 minutes

« Quand on veut, on peut » ou comment le Village des athlètes est sorti de terre en 4 ans

À RETENIR

  • La réalisation du Village des athlètes pour les Jeux de Paris en 4 ans, au lieu des 20 ans habituellement nécessaires, a été possible grâce à une forte collaboration entre les collectivités territoriales, l’État, et une solidarité entre les parties prenantes, malgré les défis posés par le Covid et l’inflation.
  • Le groupement Nexity, Eiffage, CDC Habitat a remporté l’appel d’offres sur le secteur E grâce à leur proposition alliant qualité architecturale, ambition environnementale avec un plafond carbone strict, et performance économique pour financer le projet.
  • La qualité du projet a été maintenue sans compromis sur les délais grâce à la volonté politique et la volonté des opérateurs privés de porter des innovations et des ambitions, notamment environnementales, avec une construction n’excédant pas 700 kg de carbone par m².
  • Pour l’après-Jeux de Paris, une stratégie d’héritage a été mise en place pour assurer une mixité sociale équilibrée dans le nouveau quartier de Saint-Ouen, avec une diversité de logements précommercialisés et un accent sur l’accessibilité universelle et l’adaptabilité des logements.

 

Lorsqu’en novembre 2019, le secteur E du Village des athlètes et para athlètes a été confié au groupement Nexity, Eiffage Immobilier, CDC Habitat à l’issue de la consultation lancée lors du Mipim de la même année, le compte à rebours est lancé. Il faudra réaliser en 4 ans ce qui prend habituellement 4 à 5 fois plus de temps. Un défi à la hauteur du gigantisme de l’évènement sportif des Jeux de Paris.

Elodie Benoît, directrice générale de Villes et Projets, nous raconte l’histoire d’un projet hors-normes, réalisé en un temps record, l’histoire du secteur des Belvédères à Saint-Ouen. Un secteur qui sera rendu aux Audoniens en 2025 pour devenir un nouveau quartier à vivre.

EDV : Elodie Benoît, sur quels critères le groupement Nexity – Eiffage – CDC Habitat a-t-il remporté l’appel d’offres sur le secteur E du Village des athlètes ?

Elodie Benoît : Sur la qualité architecturale et l’ambition environnementale, notamment avec ce plafond carbone qu’il ne fallait pas dépasser, et sur la performance de la charge foncière que nous étions capables de dégager pour financer l’opération dans sa globalité. Notre capacité à nous inscrire dans un cahier des charges très exigeant a convaincu. Il fallait fiabiliser les intervenants, rassurer par rapport aux difficultés rencontrées à Londres et proposer un groupement d’experts avec des promoteurs, des constructeurs et des investisseurs, qui n’avaient pas seulement pour but de réussir leur secteur du village des athlètes, mais aussi celui de ne pas rendre un village inhabité à l’issue des Jeux de Paris.

Le secret ? La mobilisation des collectivités territoriales, de l’Etat et une solidarité sans faille entre toutes les parties.

Le véritable exploit cependant, réside probablement dans la durée record de la réalisation d’un projet aussi gigantesque. Ce projet aurait dû durer 20 ans et il sera inauguré après 4 ans de travaux. Il existe un parallèle intéressant pour mesurer l’ampleur de ce projet et la rapidité avec laquelle il est sorti de terre, c’est la ZAC des Docks. Nous avons construit une grande partie de la ZAC des Docks à quelques centaines de mètres du Village des Athlètes, à peu près sur la même surface avec environ 250 000 m² de SDP et nous avons mis 20 ans à le faire. Le secret pour arriver à concrétiser le projet du Village en 4 ans c’est la mobilisation des collectivités territoriales, de l’Etat et une solidarité sans faille entre toutes les parties.


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Cette solidarité a fait que des services instructeurs ont travaillé main dans la main les uns avec les autres avec l’envie d’aboutir ensemble et rapidement à un dépôt de permis, à l’instruction puis à la délivrance des permis.  Nous avons gagné beaucoup de temps sur tout un tas de réglementations spécifiques, ce qui nous a permis de « dérisquer » au maximum les potentiels dérapages. Cette volonté commune d’aboutir et de mettre les services de l’État et les opérateurs au service du projet, dans une phase de co-élaboration, de co-construction du projet avec nous, n’était pas si facile à mettre en place.

Le grand risque de ce projet était de sacrifier au délai la qualité du projet

C’était très contre-intuitif pour tout le monde parce que ce n’est pas du tout la manière dont les choses fonctionnent de manière usuelle. Habituellement, nous travaillons beaucoup en chambre, puis nous soumettons les projets et ils sont analysés avant le temps des remarques. Nous sommes plutôt dans un système itératif mais de manière successive, c’est très atypique d’avoir fonctionné ainsi. L’envie collective de tenir la feuille de route sans dérapages conjuguée au fait que le temps n’était, pour une fois, pas une variable d’ajustement a forcé tout le monde à tenir les délais, malgré le Covid, malgré l’inflation, il n’y avait pas d’autres choix. Quand il y a l’envie, tout est possible.

Le Village des athlètes pour les Jeux Olympiques de Paris 2024
Crédit : Dimitri Weber

EDV : A quel point la création de consensus et le compromis sont-ils essentiels dans ce projet en particulier et dans le métier d’aménageur en général ?

Elodie Benoît : C’est très intéressant en termes de sociologie de voir les fruits du compromis. Nous avons très vite constaté que tout le monde devait se mettre d’accord dans un temps restreint, si chacun restait campé sur ses positions, ça ne fonctionnait pas. Nous avons toujours besoin, à un moment ou à un autre, de générer du compromis, de la synthèse, c’est essentiel. En tant que maîtres d’ouvrage, et en tant qu’aménageur pour Villes et Projets, nous savons à quel point cela fait partie de notre métier, de notre façon de fonctionner. Nous sommes de ceux qui créent du consensus dans les situations de désaccord, de ceux qui font la passerelle entre les enjeux des promoteurs et les enjeux de commercialisation, et nous accompagnons la volonté politique locale d’arriver à créer des projets de territoire qui ont du sens et qui ont une viabilité économique. Sur le village des athlètes, nous sommes toujours dans cet exercice de synthèse. Avec une casquette plutôt ensemblier-promoteur, c’était intéressant de rapprocher les intérêts divergents de tous et d’arriver à créer du consensus.

Il y avait vraiment l’envie d’avoir un marqueur territorial qui perdure dans le temps et qui démontre notre savoir-faire

C’est également dans ce savoir-faire du lien avec l’Etat que les services de la SOLIDEO ont fait un gros travail. Le grand risque de ce projet était de sacrifier au délai la qualité du projet et les ambitions que l’on avait initialement, notamment les ambitions environnementales. C’était un vrai risque que les promoteurs ou les constructeurs se disent « il faut finir quoi qu’il arrive, finissons, on verra plus tard pour la qualité ». C’était un véritable écueil, avec un contexte économique fortement défavorable entre 2019 et 2024 qui mettait en péril le projet. Nous avons réussi à tenir la barre parce qu’il y avait une volonté politique et une volonté des opérateurs privés de porter les innovations, de porter cette ambition, avec des enjeux réputationnels forts. Dans toutes les décisions prises par les différents groupes, que ce soit CDC Habitat, Eiffage, Nexity et nos confrères et consœurs des autres secteurs, le credo était le même : on agit en responsabilité, on représente la France à un événement international, on a un partenariat au service des territoires.

En ayant réalisé une grosse partie de la ZAC des Docks, nous avons un rapport privilégié au territoire et aux élus, il y avait vraiment l’envie d’avoir un marqueur territorial qui perdure dans le temps et qui démontre notre savoir-faire, à la fois sur les enjeux de qualité architecturale, de qualité d’habiter dans les logements mais aussi de qualité environnementale, l’autre grosse innovation que l’on a portée sur ce projet. En construisant en bois, en technique non-courante, on a dû créer un cadre réglementaire qui nous permettait de construire. Sur ce projet, nous n’avons pas dépassé les 700 kg de carbone par m², ce qui est globalement du jamais vu et c’est une grande fierté.

EDV : En 2025, Saint-Ouen va hériter d’un quartier où tout aura été pensé pour permettre une mixité sociale équilibrée et vivante, quelle a été votre stratégie pour l’après-Jeux de Paris ?

Elodie Benoît : La phase « héritage » après les Jeux de Paris est aussi importante que la phase « Village » pendant l’évènement. Nous avons précommercialisé une grande partie de l’opération, avec du logement très diversifié : un quart de logements en accession à la propriété, un quart de locatif social, et une moitié de logements locatifs libres, intermédiaires et coliving. Nous avons opté pour une stratégie qui nous permette de fiabiliser le projet et d’avoir la certitude que le 30 septembre 2025, lorsque l’on donnera les clés aux acquéreurs finaux, c’est un quartier vivant et animé qu’ils trouveront.

Entre la fin des Jeux de Paris et septembre 2025, nous réaliserons les travaux de réversibilité, en modifiant quelque peu les ouvrages pour les adapter, puisque nous passons de logements d’athlètes à des logements familiaux.

L’accueil des para-athlètes nous aura aussi conduits à questionner et à appréhender les enjeux d’accessibilité universelle du logement pour tous. Les gens investissent dans leur logement pour 30, 40, 50 ans, il est par conséquent essentiel de comprendre comment on vieillit dans un logement, comment on s’adapte aux accidents de la vie, aux différentes étapes de la vie, c’est un enjeu de plus en plus important dans notre société et dans les modes d’habiter. Cette seconde phase des Jeux de Paris a mis en lumière la largeur du spectre du handicap. Très souvent, lorsqu’on parle de handicap, on pense aux gens qui se déplacent en fauteuil roulant, aux personnes à mobilité réduite, et on oublie tous les autres handicaps, visuels, auditifs, cognitifs, les handicaps moteurs au niveau des membres supérieurs, etc. C’était aussi très intéressant pour nous d’intégrer ces principes d’égalité et d’accessibilité universelle au cœur de notre projet.

Le Village des athlètes pour les Jeux Olympiques de Paris 2024
Crédit : Dimitri Weber

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